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Cte d’Ivoire-AIP/ Un Expert se prononce sur la question du droit immobilier (Interview)

Un expert en droit immobilier, conseil en cabinet d’avocat et formateur certifié, Jean Louis Lobé, s’est prêté aux questions de l’AIP à l’issue d’une formation administrée à des professionnels de l’immobilier qui ont pris part le mardi 27 juillet 2021 à la deuxième édition de la 1ère Université de l’immobilier initié par le cabinet de formation Ethsun Institute à Abidjan.

Quel thème abordez-vous à cette séance de formation ?

Nous abordons la base du droit immobilier, intitulé les fondamentaux de l’immobilier qui s’impose à quiconque veut faire une activité professionnelle, veut faire carrière dans l’immobilier pour connaître les règles de bases. A travers cette série de formation qui débute par les fondamentaux de l’immobilier, il est question pour nous d’asseoir la connaissance des acteurs du secteur de l’immobilier avant que d’autres personnes, ne viennent construire sur les fondamentaux de l’immobilier que nous avons la charge de dispenser aujourd’hui.

Quand vous parlez de fondamentaux, cela se rapporte à quoi ?

Les fondamentaux ramènent à ce que c’est que l’immobilier. On a pour habitude de penser que l’immobilier c’est d’abord le bâti, le fond, mais est-ce que vous savez que par exemple, un animal qu’on affecte dans la culture, est un bien immobilier? Est-ce que vous savez que quand un propriétaire place par exemple un split dans une maison, une résidence meublée qu’il exploite, ce split devient un bien immobilier? La question de l’immobilier va au-delà du fond bâti et du bâti lui-même. Donc déjà, de cette base, il était question pour nous, d’ouvrir le champ de vue des acteurs pour leur faire prendre conscience de ce que la question immobilière va au-delà et de voir les implications parce que chaque fois qu’on a une question immobilière à traiter, il y a des intérêts, il y a des conséquences. Par exemple, tout ce qui est transaction immobilière, quand vous prenez les dispositions de l’article 8 de la loi de finance de 1970, si vous voulez faire une vente qui concerne un bien immobilier, cette loi de finance vous fait obligation de passer par devant notaire, alors que pour d’autres transactions, on ne vous l’aurait pas exigé. Quand par exemple il est question de régler un contentieux immobilier, on ne cherche plus le domicile de l’adversaire, on cherche le lieu de situation de l’immeuble. Vous voyez qu’ici, il y a des implications.

Donc, quand on a découvert ce que c’est que le bien immobilier et les intérêts attachés, on en vient aux modalités d’acquisition du bien immobilier. Comment on arrive au lot, comment on arrive à des ilots, comment on acquiert, comment on évite de se faire arnaquer, comment on arrive à construire sur un terrain, comment on gère les contentieux là-dessus. Et quand on a construit, comment on gère. Ce matin, vous êtes en train d’assister à des questions qui ont trait à la gérance locative. Vous avez pu voir qu’on a fait le contour de la gérance locative depuis 1960 en passant en revue les dispositions législatives qui ont baissé le fonctionnement des activités immobilières depuis 1960, en passant par la loi de 1977 jusqu’à la loi de 2019 sur la construction et l’habitation.

L’activité immobilière est encadrée par des textes de loi, est ce que vous pensez aujourd’hui que ces textes sont avant-gardistes, est ce qu’ils sont adaptés au contexte. Comment vous jugez les textes récents ?

Vous me posez une question colle. Est-ce que les textes sont adaptés ? J’ai envie de dire qu’il y a une observation que souvent je formule, c’est qu’aujourd’hui quand vous prenez la Convention des Nations Unies sur la dignité de l’homme, on demande que les conditions d’accès au logement soient aisées et la Côte d’Ivoire sans doute ayant en point de mire ces dispositions, a voulu faciliter les conditions d’accès au logement. Aujourd’hui, vous avez deux mois d’avance sur loyer, deux mois de dépôt de garantie, mais à l’opposé, c’est là que viens ma remarque, on n’a pas facilité les conditions de résiliation et d’expulsion. Aujourd’hui, on a encore compliqué les conditions de résiliation et d’expulsion en introduisant ce qu’on appelle la lettre de résiliation et en demandant aux bailleurs d’attendre un certain délai s’ils veulent le paiement et la résiliation à la fois, 30 jours avant d’engager une procédure devant les tribunaux. Donc, il y a un surplus en matière de coût pour les bailleurs, ce qui peut avoir un effet pervers, parce que les bailleurs seraient tentés de vouloir se rendre justice. Encore que quand on regarde les conditions de garantie, quand la justice met du temps à résilier l’impôt, la justice peut prendre quatre à six mois à résilier l’impôt et pendant que le monsieur a deux mois de dépôt de garantie, on pousse souvent certains bailleurs à se rendre justice. Moi, j’ai envie de dire qu’il faudrait regarder de ce côté en ce qui concerne la gérance locative. En ce qui concerne les procédures d’acquisition des titres fonciers, l’ACD, je demanderai à note ministère de tutelle, d’accélérer les procédures d’acquisition des ACD.

On a parlé récemment de la question des effondrements d’immeuble, j’ai fait remarquer lors d’un débat qu’aujourd’hui on se plaint de ce que les immeubles sont en train de tomber. Mais pour pouvoir construire, il faut avoir le permis de construire, il faut avoir un ACD. Quand la procédure met du temps, les gens sont tentés de prendre des couloirs et en prenant les couloirs, ils construisent sans vouloir respecter les normes de construction. Parce que les normes de construction supposent qu’il y ait des ingénieurs conseil, des architectes, il impose qu’on puisse faire des contrôles pendant le déroulé de la construction. Mais quand le monsieur rase les murs, il va sans dire que, toutes ces formalités ne seront pas respectées. Il va falloir aussi faciliter les conditions d’accès au titre, à l’ACD et surtout aussi prendre le soin de vérifier. Parce qu’aujourd’hui sur un même terrain, on peut avoir deux personnes, une en cours d’acquisition, et une autre qui vient brandir un ACD et pourtant celle qui avait sa lettre d’attribution avait son document avant celui qui a l’ACD. Malheureusement, la justice privilégie celui qui a l’ACD et ordonne l’expulsion et le déguerpissement et souvent la démolition des constructions qui sont faites par ces personnes qui ont commencé à avoir des titres avant les autres. Il va falloir que le ministère de tutelle soit regardant sur les procédures d’attribution en évitant de remettre, d’avoir deux propriétaires, de créer deux propriétaires à priori sur un même terrain. Qu’on réduise les contentieux immobiliers parce que beaucoup de personnes en meurent, beaucoup de personnes perdent des investissements. J’ai encore en mémoire un dossier où le client a perdu deux milliards cent huit millions quatre cent quatre-vingt-seize mille juste parce que des titres fonciers n’ont pas été donnés régulièrement.

Est-ce que la loi de 2019 apporte des solutions de règlement aisé par rapport à l’ancienne loi ?

La loi 2019-576 du 26 juin 2019. Cette loi là porte code de la construction et de l’habitat. Cette loi-là a prévu par exemple qu’aujourd’hui dans le cadre de la construction, qu’on puisse faire annuler un permis de construire qui a été donné à tort. Mais anciennement ces procédures étaient prévues parce que le permis de construire est une décision administrative et chaque fois qu’une décision administrative n’est pas donnée légalement, il existe le recours pour excès de pouvoir qui permet de pouvoir faire annuler. On n’a pas vraiment évalué mais on a peut-être précisé dans le code de la construction par exemple qu’on pouvait le faire aujourd’hui. Sur les ACD le code de la construction ne traite pas de ces questions. Ces questions-là sont traitées par l’ordonnance de 2013 sur les procédures domaniales foncières parce qu’il y a le foncier urbain et le foncier rural. Le foncier rural est régi par une loi depuis 1998 et on a le foncier urbain qui est régit par l’ordonnance de 2013. Là-bas, on a supprimé la procédure qui paraissait longue en demandant aux gens qui ont des attestations villageoises d’introduire directement leur demande d’ACD après avoir monté leurs dossiers techniques avec les géomètres, encore que là ça traine et on a toujours les contentieux.

Au niveau des réformes entre locataires et bailleurs, pensez-vous qu’il y ait des dispositions aujourd‘hui qui protègent mieux le locataire au détriment du bailleur ?

J’ai envie de dire oui parce qu’aujourd’hui, on va dire que les locataires sont toujours privilégiés. Il ne faut pas oublier le contexte. On est dans ce qu’on appelle le droit de la consommation en droit. On protège donc la partie la plus faible et c’est le locataire ici. Déjà on protège plus le locataire parce qu’on a facilité les conditions d’accès au logement. On lui demande juste deux mois de dépôt de garantie, deux mois d’avance sur loyer. C’est une facilité. Avant on vous disait que c’est chaque deux ans qu’on augmente les loyers, aujourd’hui c’est chaque trois ans et seule la justice s’il y a un contentieux là-dessus, doit déterminer en dernier ressort le taux de l’augmentation. Aujourd’hui, pour pouvoir mettre un locataire dehors, il faut encore passer par une procédure de résiliation et d’expulsion. La procédure est devenue plus longue. On va dire que le locataire est aujourd’hui plus protégé que le bailleur mais on a apporté aussi beaucoup de sécurité parce qu’aujourd’hui l’article 414 du code de la construction et de l’habitat interdit qu’il y ait des contrats verbaux. Les contrats de bail à usage d’habitation doivent être obligatoirement écrit aujourd’hui. Les enregistrements doivent se faire obligatoirement au niveau des impôts, on ne les enregistre plus au niveau des mairies, donc on veut plus de sécurité. Encore que sur la question de l’enregistrement, les impôts n’ont pas encore une position uniforme parce qu’en principe quand vous prenez 713 du code général des impôts, ce sont les loyers de plus de 500 milles FCFA au moins, qui doivent être enregistrés aux impôts mais la nouvelle loi dit qu’il faut enregistrer. Donc si le locataire vient avec un loyer de moins de 500.000 FCFA ou le bailleur avec un loyer de mois de 500 000 FCFA, il va sans dire qu’il doit enregistrer gratuitement et simplement payer les droits de timbre mais il y a des impôts qui font payer le droit fixe de 18.000 FCFA plus le droit de timbre pendant que d’autres services ne font pas payer. Je pense que les impôts aussi devraient se saisir de cette question pour avoir une approche unanime et uniforme de la question.

Qu’est-ce que les apprenants peuvent retenir ?

Les apprenants ici vont asseoir leurs connaissances. On peut venir avec des prérequis, mais au sortir d’ici on va asseoir toutes les connaissances. Vous voyez on a des pratiques mais qui n’épousent pas forcément les textes de loi. Tout à l’heure, j’ai parlé de cette pratique qui consistait à donner trois mois à un locataire qui ne paie pas sa maison. Il ne paie sa maison, on ne doit pas lui donner trois mois. On doit plutôt engager une procédure de résiliation-expulsion. Si à la fin des trois mois il ne part pas, vous être obligé d’engager une procédure de résiliation-expulsion qui va encore être longue et vous aurez perdu du temps. En venant ici, nous allons écarter des pensées qui relèvent de connaissances mal assises pour asseoir les connaissances et pour en faire des acteurs aguerris, manipulant au mieux les textes qui régissent leur corporation. Parce que, quoi qu’on dise, l’immobilier c’est 75% de droit, après il y a la fiscalité immobilière, il y a de l’expertise, il y a la pathologie du bâtiment, il y a du marketing. Si vous faites par exemple du marketing, la publicité par exemple, c’est des textes de loi.

Un aspect particulier que nous n’avons pas abordé ?

C’est la question de l’acquisition du bien immobilier et de l’arnaque immobilière. J’organise très souvent des masters class. Aujourd’hui, beaucoup de contentieux dans l’immobilier viennent des chevauchements de titres de propriété ou d’arnaque. Dans cette formation, nous allons donner les techniques de prévention de l’arnaque et de sécurisation de l’acquisition d’un patrimoine immobilier. De sorte que ces personnes ne soient pas les prochaines victimes d’une arnaque mais soient plutôt des personnes aguerries au fait de la procédure et des techniques de contrôle et de suivi de d’acquisition des terrains en Côte d’Ivoire.

En termes de prévention, quels sont les conflits récurrents entre locataires et bailleurs et les procédures de règlement ?

Au niveau de la gestion locative, les conflits récurrents c’est d’abords cette question d’augmentation de loyer. Très souvent, les bailleurs ont envie d’augmenter et ils ne veulent pas respecter la périodicité parce que, quad l’article 421 du code de la construction et 422, 423, il est dit qu’on augmente maintenant les loyers chaque trois ans. A partir d’une augmentation, il faut attendre trois ans. Il y a des bailleurs qui estiment que parce que le voisin fait une augmentation, il veut aussi faire et ne veut pas respecter la périodicité. Là-dessus, le locataire est en droit de contester. Les parties si elles ne s’entendent pas, parce que la loi prévoit de régler les conflits à l’amiable. La partie la plus diligente ici c’est le bailleur qui a intérêt à augmenter le loyer, va saisir le juge qui va déterminer en dernier ressort qui a raison de demander l’augmentation, si l’augmentation est fondée ou pas.

Un autre problème qui revient, c’est la question de la cession. Souvent on arrive on trouve une autre personne, les bailleurs s’en vont se plaindre à tort. Tant qu’un contrat ne l’interdit pas, le locataire à le droit de céder ou sous louer son bail. Pour l’interdire, il faut mettre cela dans les contrats. Quand il y a un souci de ce genre, le bailleur va mettre des pressions mais des pressions ne seront pas fondées.

C’est aussi la question du non-paiement des loyers et de l’expulsion des locataires. C’est l’une des questions primordiales, récurrente et l’a dessus, dès lors qu’on ne paie pas son loyer, bien entendu on est un candidat à l’expulsion. La procédure a changé, il faut envoyer une lettre de résiliation d’abord avant d’engager la procédure d’expulsion. Les parties peuvent toujours se rapprocher pour négocier, la loi ne l’interdit pas mais la partie qui a intérêt est libre d’emmener son affaire devant les tribunaux pour que force restante à la loi, les tribunaux puissent statuer et apprécier la légitimité de la question qui est soulevée.

Source: Agence Ivoirienne de presse